Manager conscient, manager vivant : l’entreprise régénérative et la robustesse

Soumis par agathe.renac le
Thématiques
Gestion de crise
Intelligence collective
Leadership
Transformation
Durée
25 minutes

Bienvenue sur la chaîne de podcast “La graine inspirante”, un podcast du réseau de progrès des managers GERME !

Kenza Benrhamous est parti pour GERME en immersion à la première étape du Grand Tour dans le Sud-Est. Le Grand Tour, c’est un événement qui rassemble les membres du réseau GERME en 4 dates dans les 4 coins de la France pour avoir des temps d’inspiration, de réflexion et d’échange entre pairs d’une même région Le thème de ces événements sera aussi celui de cette mini série audio de 4 épisodes : “manager conscient, manager vivant”.

Aujourd’hui, direction l’Ardèche et plus précisément le site de la Grotte Chauvet Kenza retrouve les participants de l’événement et deux intervenants experts qui ont animé une plénière lors de ce Grand Tour, Olivier Hamant et Chiara Momo.

Dans cet épisode vous découvrirez...

  • Comment naviguer dans un monde incertain : robustesse ou performance ?
  • Qu’est-ce qu’une entreprise régénérative ?
  • Pourquoi et comment utiliser le biomimétisme en entreprise ?
  • Comment intégrer le vivant dans l’entreprise ?

Qui sont les interviewés ?

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Olivier Hamant est biologiste et chercheur à l’INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) et directeur de l’Institut Michel Serres.

 

Chiara Momo est chargée de Recherche-Action et Intervention chez LUMIÅ.

 

Pour en savoir plus sur eux, découvrerz les sur le site du Grand Tour GERME.

Le thème de cet événement GERME “Le Grand Tour” est “manager conscient, manager vivant”. Qu’est-ce que ça vous évoque ?


[Chiara]

Le vivant est au centre de l’approche régénérative et c’est un sujet passionnant. On peut se poser la question de “comment se reconnecter à soi-même et au vivant?” notamment. Une autre question peut-être “Comment arriver à incarner ce nouveau modèle managérial qu’est le régénératif ?”. Je pense que ça passe par être soi-même, incarner sa singularité tout en étant à l’écoute de son équipe. 

Le biomimétisme est un moyen de s’inspirer du vivant pour trouver des solutions technologiques. Mais de mon point de vue c’est assez restrictif alors que le régénératif replace le vivant au centre de mes actions et décisions, faire en sorte que le vivant ait toutes les bonnes conditions pour exprimer son plein potentiel. 


[Olivier]

Le vivant est souvent absent des sujets mis sur la table, souvent considérés comme secondaires alors qu’il permet une ouverture. 

Pour moi, il y a deux types de biomimétisme : 

  • celui qui est encore resté dans la performance en essayant de piquer des solutions performantes au vivant tout en augmentant l’humain, ce n’est pas l’option que je garde mais c’est celle qui est prévalente malheureusement

  • celui où le vivant a trouvé le moyen de vivre dans un monde fluctuant depuis des millions d’année et c’est inspirant pour les entreprises qui doivent s’adapter aux crises



La performance est fragile et dure moins longtemps. Un exemple qu’on pourrait donner est celui de la reproduction sexuée, une division cellulaire qui permet de faire des gamètes. C’est un processus très ancien qui a adapté un système de réparation pour faire des erreurs. Quand on fait des gamètes, on prend des chromosomes, on les casse et on les brasse et on “répare mal” ce qui donne des chromosomes bigarrés et cela peut expliquer pourquoi certains enfants peuvent ne pas ressembler à leurs parents. Ce n’est pas performant mais c’est indispensable pour la pérennité de la population car si le monde est fluctuant, une population hétérogène sera plus robuste.
 

 

Qu’est-ce que l’économie régénérative ?

[Chiara]

C’est difficile d’être une entreprise 100% régénérative donc je préfère parler d’entreprise à “visée” régénérative. En tous cas, l’économie régénérative est basée sur deux mouvements :

  • comment réduire au maximum les impacts négatifs de mon entreprise

  • comment arriver à générer des impacts positifs à travers mon activité
 L’entreprise régénérative c’est celle qui à partir de cette composante arrive à avoir un impact positif net. 

Pour les entreprises qui ont un lien direct avec le vivant, c’est plus facile d’agir mais pour celle qui n’ont pas ce lien direct, la visée régénérative peut se faire à plusieurs niveaux :

  • les infrastructures

  • le sourcing

  • les process

  • la chaîne des partenaires, fournisseurs, clients


 

 

Aujourd’hui quel est l’impact du travail sur l’environnement ?
 

[Olivier]

Le travail a plein de sens. Au sens physique, c’est de la consommation d’énergie. Quelque part, nous sommes en train de consommer l’énergie du vivant. Tous les méga feux, canicules et autres cataclysmes écologiques sont le résultat de notre performance et donc de notre travail. 
Quand on se focalise sur la performance, on pense efficience à court-terme. On est presque drogués à la performance. La robustesse permet de gérer davantage les fluctuations. 


“La pérennité contre la performance” Olivier Hamant 


[Chiara]

L’intérêt de l’entreprise régénérative c’est de sortir du modèle économique volumique à croissance et voir comment se sortir de cette volonté d’en faire plus tout en restant viable. Il faut aussi voir comment accompagner ce changement d’un point de vue humain, accompagner ce message auprès de ses équipes. Il faut apprendre à apprivoiser et naviguer à travers cette complexité et les appréhensions des uns et des autres.

 

 

Comment les managers doivent-ils intégrer tous ces changements (climatiques, biodiversitaires etc.) ?

[Olivier]

C’est une bonne question car souvent le climat apparaît en premier alors que quand on tente de répondre à la crise climatique, souvent on endommage la biodiversité. Un exemple avec les batteries au lithium, où on évite le CO2 mais on pollue ailleurs. 


Alors que quand on répond à la biodiversité, en général c’est bénéfique par le climat. On a commencé d’ailleurs historiquement à répondre aux enjeux de biodiversité avec l’UICN (association de protection nationale de la biodiversité), créée avant le GIEC. Ça c’est un peu inversé depuis les années 80. 


Un des mots-clés qui ressort avec la biodiversité est “les services éco-systémiques”. En fait, pour qu’un éco-système fonctionne il faut qu’il y ait un haut niveau de biodiversité. Donc ça veut dire, produire des aliments, des médicaments, avoir un sol qui se régénère, filtrer l’eau et l’air… S' il n’y a plus de biodiversité, ces services ne sont plus assurés et c’est dramatique. Et c’est pareil pour l’entreprise, si elle est trop monovalente, c’est risqué dans un monde fluctuant. 


 

Comment on intègre concrètement cette biodiversité dans les entreprises ?

[Olivier]

On peut mettre de la biodiversité de manière directe comme certaines entreprises type “Pocheco”. C’est un fabricant d'enveloppe près de Lille qui dépollue les solvants de ses machines, qui a installé des plantes sur ses toits pour dépolluer, il a un partenariat avec des paysans locaux etc. 


Il y a aussi la biodiversité conceptuelle. Pour faire face aux fluctuations en entreprise, il ne vaut mieux pas être monovalent et recruter un talent star pour une mission car le jour où cette personne tombe malade ou est recrutée ailleurs, la fonction n’est plus assurée. Il vaut mieux avoir des personnes polyvalentes capables de coopérer. 


C’est sûrement les petites entreprises qui vont montrer le chemin comme la restructuration est plus aisée qu’à l’échelle des grands groupes, où ce sont les marges qui peuvent souvent diriger les décisions. Les petites entreprises ont tendance à avoir plus de réflexion autour de la robustesse et de leur survie plutôt qu’un grand groupe protégé par ses réserves financières des fluctuations. 


[Chiara]

Souvent les entreprises de grandes tailles sont moins agiles mais d’un autre côté, ce sont des entreprises qui peuvent lancer plus d’initiative avec leurs investissements. Pour les PME, ce qui serait intéressant serait de trouver des partenaires et acteurs qui sont dans la même démarche pour coopérer et investir et porter le projet commun à plusieurs pour tendre vers des actions davantage régénératives. Les salariés aussi ont leur part à jouer dans ce modèle. 


 

Quelles sont les difficultés que peuvent rencontrer les entreprises qui veulent effectuer un vrai changement vers une économie à visée régénérative ?


[Chiara]

Cela peut se traduire par des difficultés d’un point de vue croyance, les collaborateurs qui ne sont pas prêts pour ces changements. Aussi la réflexion que cela va nécessiter beaucoup d’investissements et donc la question de la rentabilité. Cela peut être une problématique de manque de temps. Parfois aussi, des entreprises ont du mal à faire le deuil de leur ancien modèle économique, notamment s' ils étaient leaders du marché. 
 

[Olivier]

A force de vouloir dépasser les limites, planétaires et humaines (burn-out des éco-systèmes et burn-out de l’Homme…), plus on pousse le curseur loin et plus le changement sera douloureux. Plus tôt le tournant est pris et mieux c’est. Nous n’aurons pas le choix.

La question est davantage : quel temps faut-il pour basculer de la performance à la robustesse. Dans 5-10 ans nous n’aurons sans doute plus de marge de manœuvre. Cela peut passer par des projets pilote, des expérimentation, des initiatives avec les entreprises locales…. 


On bascule vers un modèle avec davantage d’interactions, on diversifie, on multiplie, on enrichit. Je pense qu’on ne va pas regretter le monde de la performance. 


[Chiara]

Le rôle de manager leader est indispensable car dans les périodes d’incertitudes, il donne du sens, fédère les équipes. Quand on parle de modèle d’entreprise, on touche à la stratégie et c’est important que la direction soit associée pour incarner ce changement et que cela soit ancré dans les valeurs de l’entreprise et non un coup d’éclat marketing.

A retenir de cet épisode :

  • Le monde va devoir basculer de la performance à la robustesse, plus long-termiste
  • l’économie régénérative est basée sur deux mouvements : réduire les impacts négatifs de mon entreprise tout en générant des impacts positifs

Un merci chaleureux à Chiara et Olivier pour leur contribution. Restez à l’écoute, d’autres épisodes du management arrivent dans le podcast La graine inspirante de GERME !

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