Manager une équipe intergénérationnelle

Soumis par agathe.renac le
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Management de la diversité

Vous venez de pénétrer sur la planète “La graine inspirante”, une chaîne de podcasts du réseau de managers GERME ! Le sujet du jour concerne tous les âges et tous les collaborateurs : nous allons parler de comment manager une équipe intergénérationnelle !

A découvrir dans cet épisode :

Dans cet épisode vous découvrirez :

  • La pratique de l’étonnement volontaire
  • Comment recruter en limitant les biais cognitifs ?
  • Comment travailler avec un collaborateur d’un autre âge et qui ne fonctionne pas comme vous ?
  • Les tendances générationnelles et les tabous en entreprise

Qui est Philippe, l'interviewé ?

A nos côtés pour y répondre, Philippe Pierre. Cet ancien DRH, sociologue et intervenant GERME depuis 2008, est spécialiste de l’attractivité et de la fidélisation des talents de tout âge. Il réagit à l’épisode précédent, où plusieurs managers échangeaient sur “Manager les générations” (pour l’écouter c’est par ici).

Philippe, que t’inspire l’échange du précédent podcast sur “manager l’intergénérationnel” ?

« Beaucoup de richesses. Le manager est une personne qui crée des espaces de parole volontaires pour entendre des choses qu’il n’a pas réellement envie d’entendre. »P.Pierre

Il est important pour le manager de pratiquer “l’étonnement volontaire”. Cet étonnement est nécessaire pour comprendre les différences entre jeunes et moins jeunes au travail. Il invite à :

  • Suspendre son jugement : il est arrivé qu’un jeune candidat arrive en entretien et pose la question « Est-ce qu’on s’amuse bien dans votre entreprise ? ». Dans ce cas-ci, l’étonnement du manager impliqué lui a permis de ne pas entrer en réaction et de rester objectif.

 

  • Distancier son regard, prendre du recul : cela peut prendre la forme de rencontres avec d’autres points de vue, et des outils pour manager l’intergénérationnel comme la note d’étonnement. L’idée est de s’éloigner du rapport d’étonnement classique et, sans faire appel à des capacités de rédaction qui favorise les plus scolaires, miser pourquoi pas sur le visuel du type “Quelles sont les 5 images qui illustrent ce que tu penses de l’équipe et de ton intégration depuis ton arrivée ?”. Cela permet de créer un espace apprenant qui percute et nous bouscule dans notre rapport au temps, aux relations, à l’autorité…

 

Alors comment suspendre son jugement en tant que manager en recrutement ?

“Il faut mobiliser sa volonté. Moi-même, il m’est arrivé qu’un candidat en entretien me demande « Est-ce qu’on doit être là tous les jours ». A l’époque ma réponse était de dire « ici on travaille 5 jours sur 5, et le 6e et 7e jours, on réfléchit à ce qu’on va faire ensuite. » Mais depuis j’ai changé.”

Philippe Pierre teste désormais le recrutement en marchant. Un vrai espace qui ouvre à la discussion, à davantage de conscience et de concentration, à davantage d’intimité ou en tous cas de confiance. C’est une alternative de recrutement utile pour mettre à l’aise les candidats les plus timides, jeunes ou moins jeunes. 

D’autres astuces sur comment ne pas juger en entretien ?

  • Ne pas se contenter d’un seul lieu pour marcher
  • Revoir la personne une seconde fois pour la voir sous un jour nouveau, le fameux « faisceau d’indice » en management
  • Toujours être accompagné d’un collègue (DRH, personne de votre équipe, autre manager…), pour avoir aussi son regard

 

Est-ce que tout se joue dès les 30 premières secondes de l’entretien de recrutement ?

Je crois l’inverse. Le talent est souvent caché et les compétences inattendues. Une bonne première impression est à travailler, tel un sculpteur.

Il s’agit de prendre de la distance par rapport au premier ressenti. Le changement d’avis est possible, et même recommandé ! Cela permet d’éviter les « entretiens de confirmation ». Il existe en effet le « biais cognitif de confirmation ». C’est celui qui, suite à une bonne première impression en entretien, biaise votre cerveau qui va essayer de ne trouver que des aspects positifs au candidat pour confirmer votre avis.

En tant que manager vous prenez alors le risque de ne recruter que des personnes qui vous ressemblent. Cela se produit notamment dans la situation où vous et vos équipes êtes fatigués par une charge de travail importante, ou que vous avez peu de candidatures.

 

Doit-on s’en remettre à l’équité ou à l’égalitarisme quand on manage plusieurs générations ?

L’égalitarisme est un piège, qui ne permet pas la méritocratie selon Philippe Pierre. Certains jeunes managers qui démarrent leur carrière ont tendance à vouloir faire plaisir à tous ses collaborateurs, c’est le piège du “nivellement”. Quand l’équipe est intergénérationnelle, il faut plutôt pratiquer l’équité, c'est-à-dire : identifier et assumer des différences dans notre équipe qui profitent à tous. Ne pas confondre l’égalitarisme, synonyme pour lui de nivellement, et l’équité, qui est une justice qu’on assume dans le sens où le manager marque des différences (ex : en confinement, des situations particulières à prendre en compte).

 

En catégorisant les générations x, y et z, que nous disent-elles de la réalité sociale ?

Ces catégories me font penser à des calques, des grilles de compréhension des différences. Il y en a plusieurs :

  • Selon l’âge biologique
  • Selon le bassin d’emploi
  • Selon les systèmes de pensées
  • Des situations de handicap….

Il y a le caractère unique de chaque personne derrière ces calques, et le plus important finalement, c’est à partir de ces données de base, qu’est-ce qu’on en fait et qui on devient.

Pour travailler avec un collaborateur qui ne nous ressemble pas ou ne fonctionne pas comme nous :

  • Il faut se connaître pour lui expliquer comment on fonctionne, voir lui demander comment il/elle fonctionne.
  • Lui donner 5 raisons de travailler dans ton équipe et non une autre.
  • Lui poser la question “Quelles sont les 3 raisons de quitter mon équipe ?”. C’est une posture managériale d’humilité, propre à GERME.

Dans le plateau de l’épisode de podcast GERME précédent, il y a une différence que je relève entre la souplesse donnée dans l’organisation (le respect des horaires ancré par exemple), et la souplesse dans la coopération. Il ne s’agit pas de tolérer des pratiques mais bien de les reconnaître. Dialoguer inclut d’énoncer clairement aussi ce sur quoi, moi manager, je ne transige pas. En gardant à l’esprit que derrière nos rôles il y a des êtres humains.

 

Qu’est ce qui dans 10 ans ne sera plus tabou en entreprise ?

"Il y a près de 15 ans, quand un collaborateur voulait me parler d’argent, j’avais tendance à lui dire « ça viendra". Aujourd’hui je serai en décalage .” P.Pierre 

Un des enjeux intergénérationnels est l’« Enchevêtrement des sphères » comme l’évoque Michel Serres. Par exemple, en tant que professeur, des élèves me demandent « Monsieur, combien vous gagnez ? ». Il y a quelques dizaines d’années cela ne se serait pas produit. Mais il est important de lire entre les lignes de cette question. Ce n’est pas inconvenant mais plutôt une volonté d’une génération nouvelle de co-construire un projet de vie avec quelqu’un qui a peut-être un peu d’expérience. Cette volonté là doit donc être partagée pour que le dialogue se poursuive.

Aujourd’hui, ce qui ne sera plus tabou, voir même valorisé, ce sera nos choix de vie, la manière dont on veut cultiver différentes facettes de son identité… Beaucoup de jeunes au travail n’hésitent pas aussi à échanger avec les collègues ou managers leurs opinions et préoccupations (politiques etc.). 

Personnellement, j’ai vécu ma vie en cloisonnant entre mon rôle au travail, et la personne que je suis, avec mes sentiments qui me sont propres. Aujourd’hui on assiste à l’enchevêtrement des sphères dont je parlais plus tôt.

« On assiste à un phénomène nouveau : celui du supposé sachant, qui doit prouver à ceux qui apprennent qu’il sait. C’est un renversement de la présomption de compétences. »

Et pour le mot de la fin, « La certitude, il faut la question ». Merci à Philippe Pierre au micro de David Rival pour sa vision sur “manager les générations”.

A retenir :

Pour manager les générations :

  • Suspendre votre jugement
  • Accepter de changer d’opinion sur l’autre
  • Accepter la différence
  • Considérer chaque interlocuteur comme unique
  • Les plus jeunes offrent l’opportunité d’une remise en question et d’évoluer
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