Comment manager dans le "monde d'après" ?

Soumis par sandrine.besnier le
Comment manager dans le "monde d'après" ?

La crise sanitaire du Covid-19 a marqué un coup d’arrêt. Certains collaborateurs ont mal vécu cette période, se sont posé des questions, ont perdu le sens de leur travail... D’autres, au contraire, ont apprécié de pouvoir s’arrêter ou de télétravailler, et ont du mal à envisager leur retour au bureau... Dans une même équipe, chacun a vécu le confinement différemment. Comment, dès lors, manager et réussir la sortie de crise ? Regards croisés de deux psychologues du travail, Karine Kollar et Xavier Jarry.

 

“C’est sûr, les managers vont « récupérer » des situations et des expériences très variées. D’où la nécessité, pour eux, d’être encore plus à l’écoute. À mon sens, il faut d’abord libérer la parole et évaluer la situation de chacun lors d’entretiens individuels. Ensuite, il s’agit de réunir son équipe en présentiel pour faire collectivement le bilan de cette période : que peut-on garder et améliorer pour demain ?”, explique Karine Kollar, consultante RH, coach, psychologue du travail à Nantes et animatrice Émergence depuis 2017. Premier objectif à garder en tête, donc : prendre le temps de réfléchir et tirer profit de ce qui s’est passé avant de se remettre dans l’action, voire d’accélérer à nouveau ! Karine Kollar suggère ainsi de “laisser le temps au temps”. Son point de vigilance : créer davantage de liens et être particulièrement attentif aux risques psychosociaux. “Les collaborateurs qui étaient en souffrance au travail avant le confinement le sont toujours après : les problématiques restent les mêmes, voire ont été accentuées par la crise.”

 

Regarder dans la même direction

Quant à Xavier Jarry, consultant psychologue du travail et coach en management, animateur du groupe GERME de Reims depuis 2017, il conseille aux managers de commencer par gérer leur propre bien-être : “Ce n’est pas une posture égoïste. Un manager en manque d’équilibre n’est pas utile à son équipe. On ne peut pas aider les autres si on est soi-même à cours d’énergie. Le manager est l’un des premiers tuteurs de résilience. À ce titre, il doit se ressourcer pour ensuite accompagner ses collaborateurs”. Par ailleurs, pour ce qui concerne les  difficultés liées à la cohésion des équipes, l’approche systémique suggère, entre autres, de régler un problème en détournant l’attention de la pression. “Aux managers, donc, de tourner l’attention de leurs équipes vers les prochains défis à relever collectivement, plutôt que de chercher à résoudre les tensions liées à la gestion de la crise. L’adversité a cette vertu de pouvoir rassembler”. CQFD.

 

 

Oser partager son inquiétude

Gilles Jurine, ancien pilote de chasse, professeur en management des risques et de la qualité à l'Université d'Aix-Marseille, consultant formateur et intervenant GERME depuis 2006, complète les réponses de nos deux experts.

 

En cette période de crise sanitaire, quel conseil donneriez-vous aux managers ?

“Je leur conseillerais de partager ou de déléguer leur inquiétude auprès de leurs collaborateurs, plutôt que de la garder pour eux. Attention, l’objectif, ici, n’est pas de générer du stress chez ses collègues, mais de lutter contre la tétanisation, de mobiliser ses équipes et de les mettre en mouvement. Comme le colibri dans le conte amérindien raconté notamment par Pierre Rabhi, chacun doit prendre sa part de responsabilité. Il ne s’agit pas de transmettre sa peur de façon disproportionnée mais, au contraire, de trouver un équilibre dynamique entre les personnes qui sont trop inquiètes et celles qui ne le sont pas du tout, de trouver du sens ensemble. Déléguer son inquiétude permet au manager de prendre du recul.”

 

Pourquoi, selon vous, est-il important, en ce moment, de porter attention au collectif ?

“C’est important, mais c’était tout aussi important avant, et cela le sera toujours après ! La crise ne fait qu’exacerber ce qui est fondamental. Il n’y a plus de temps pour les broutilles, ni pour les enfantillages, nous sommes ramenés à l’essentiel. Ce qui me paraît plus intéressant, c’est de préparer la prochaine crise sanitaire. Nous pouvons, en effet, assez aisément imaginer qu’il y en aura d’autres. Certains parlent déjà d’une seconde vague dans les mois à venir...”

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