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Cet épisode a été tourné depuis Bordeaux, avec des participants au cycle de formation en management Germe. Découvrez leurs retours sur comment déléguer auprès de ses équipes.
Dans cet épisode, vous explorerez :
- Comment faire confiance à son collaborateur quand on délègue ?
- Comment aider son collaborateur à prendre confiance et gagner en autonomie ?
- Comment prévenir les loupés, les échecs dans la délégation ?
- Apprendre à savoir quand déléguer quelle place pour le droit à l’erreur ?
- Quels bénéfices et risques de déléguer ?
Autour du plateau nous retrouvons :
- Céline Godet, présidente de L’Échoppe, fabricant de vêtements de sécurité
- Julien Lunardelli, co-fondateur de Lumiscaphe, éditeur de logiciel
- Gregory Debliqui, directeur Commercial de CETIH, groupe industriel dans l’habitat
- Bertrand Hassid, avocat d’affaires à Lexymore
- Henry Dubourg, coach et animateur du groupe “Bordeaux Managerme”
Comment parier sur la capacité d’un collaborateur ?
(Bertrand) Je suis avocat et on détermine principalement la capacité avec l'expérience. J'ai une collaboratrice junior qui a 2-3 ans de barre. 3 ans de barre, c'est à partir de la prestation de serment... Et on voit qu'elle prend confiance dans la gestion des dossiers…
Et récemment, sur une négociation de contrat en plus avec un confrère en face, j'ai pris cette décision de lui faire confiance. On n'avait pas trop le choix non plus, on avait une grosse masse de travail, et c'est là que je me suis dit, c'est le bon dossier à lui déléguer. Et finalement, ça a été un cercle vertueux, puisqu'elle a pris confiance en elle. Et cette confiance que je lui ai accordée, elle me l'a rendue fois mille : pour la première fois où on est vraiment en face d'un avocat à négocier une clause, il y a de la tension, le confrère en face est doué… Et ça a été vraiment une belle victoire.
Et le droit à l'erreur en délégation ?
(Bertrand) Alors, il y a droit à l'erreur dans le raté de la délégation, pas du rendu.
(David) Donc, ça veut dire que le manager que tu es doit sécuriser, poser un filet de sécurité ?
(Bertrand) En permanence, parce que c'est une responsabilité professionnelle, déjà. On essaie d'être le plus, alors je n'aime pas trop ce mot, mais bienveillant possible. Il faut être humain. C'est-à-dire, en réalité, un bon sens. On a eu beaucoup de ratés, et là c'est difficile de ne pas s'énerver dans un petit peu de stress d'ailleurs.
Qu'est-ce que ça vous a enseigné en tant que manager de déléguer ?
(Bertrand) Évidemment, on apprend de nos émotions quand on délègue, c'est aussi comment on fait pour lâcher prise.
(Henry) Oui, la délégation ou même tout acte de management, je trouve que ça fait appel à soi, qui on est, ce qu'on est.
C’est faire un pari comme un vecteur de créativité d’engager des alternants et stagiaires. Comment leur déléguer ?
(Céline) C'est tout le temps un pari, parce qu'on ne les connaît pas, on a rarement le temps de construire une relation de confiance où on connaît la compétence des uns et des autres. Et c'est en même temps des paris faciles, parce qu'en général, on leur confie des activités avec un périmètre relativement limité. D'ailleurs, c'est là qu'on a les meilleurs succès. Quand le périmètre est un peu large sur un alternant ou un stagiaire, on a ce qu'on mérite. Les idées géniales que j'ai eues chez les alternants, c'est souvent sur des idées spot, notamment de marketing, de commercial, d'animation d'équipe. Ou peut-être parce qu’ils viennent de l'extérieur, ça apporte une boule d'énergie, ils entraînent l'équipe dans des idées un peu folles, du genre faire un shooting photo, faire un tour de pâté de maison à vélo, avec une énergie incroyable.
Comment faire confiance pour déléguer si la personne n'a pas confiance en elle-même ?
Les gens qui n'ont pas confiance en eux, ça se caractérise de manière différente : ceux qui le disent clairement « là, je ne vois pas comment je vais faire, je ne connais pas” ceux où on finit par comprendre par des messages ou résistances, qu'en fait, c'est un problème de confiance en eux-mêmes. Cette dernière catégorie attaque le sujet qu’on leur a confié plutôt que de dire, ou même d'identifier eux-mêmes qu'ils ne sont pas à l'aise avec le sujet.
(Henry) Moi, je le verrai, si je me permets, un peu différemment. C'est plutôt la confiance qu'on peut avoir en soi, manager, d'abord. C'est-à-dire que si on n'a pas confiance en soi, ça va être un peu compliqué de déléguer. Si on a confiance dans ses compétences, dans sa technique de ce qu'on est, c'est facile de déléguer.
Comment aider un collaborateur qu'on manage et qui n'a pas confiance en lui ou en elle ?
(Bertrand) C'est vraiment déjà toujours assurer une supervision, toujours être là pour dire qu'il y a un droit à l'erreur, pas dans la production finale pour ma part, mais dans la co-construction. Mais le manque de confiance me rassure aussi, je pense qu'un bon avocat est un avocat qui n'a pas confiance en lui et qui va toujours vérifier, contre carrer. Parce qu'on peut aussi faire beaucoup d'erreurs avec beaucoup de confiance aussi, paradoxalement.
Comment on fait pour repérer des collaborateurs qui n'ont pas confiance en eux ?
(Céline) Je les détecte, je pense, assez bien parce que je manque moi-même de confiance en moi. Et j'ai envie de leur donner du coup un supplément de confiance. En fait, moi, on m'a souvent donné confiance alors que je n'avais pas confiance. Et tu gagnes en confiance en toi en avançant et en relevant des défis. Je pense que tu nourris la confiance en soi des autres en leur donnant confiance.
(Grégory) Oui, je pense qu'il faut d'abord avoir envie, même si t'as pas confiance. Parce que si t'as pas envie, tu vas pas arriver jusqu'au bout.
Est-ce qu'on peut devoir déléguer sans véritablement faire confiance ? La posture du manager du “il faut que je délègue” peut parfois être dissonant avec ce qu’on ressent soi-même.
(Céline) Quand je commence à déléguer sur des choses vraiment importantes, je vais avoir tendance à garder le contrôle au début et puis relâcher progressivement. Et en même temps, je me dis que ça montre aussi aux collègues à qui on a délégué que ce qu'on lui a délégué a de l'importance. Si on lui donne quelque chose à faire et puis qu'on s'en va, ça peut donner le sentiment qu'on s'en débarrasse. Là, au contraire, ça lui prouve que la mission est importante.
(Bertrand) Pour moi, la confiance, elle est technique et humaine. Moi, je les différencie vraiment. C'est-à-dire que je peux avoir confiance techniquement en quelqu'un, si je n'ai pas humainement confiance en lui, je ne vais pas pouvoir lui déléguer. Pour moi il y a le petit plus, c’est le savoir-être. C'est avoir une confiance dans le fait que la personne va respecter les délais, va faire bien le travail, va vérifier ses sources, va être transparente dans le traitement du dossier. Et ça, ça s'acquiert avec le temps.
Le manager qui délègue doit avoir conscience que la délégation, c'est un facteur d'apaisement, de liberté. Comment tu entraînes ce niveau de conscience ?
(Bertrand) Plus on fait confiance, plus le collaborateur va s'épanouir. Et c'est une énergie circulaire qui se gagne. Typiquement, si j'ai un nouveau collaborateur demain, contrairement à certains confrère, je suis incapable de lui donner 14 dossiers et lui dire « tu les traites cette semaine et puis on se revoit lundi » . Humainement, je ne pourrais pas le faire et ça me mettrait dans un état de stress énorme. Ça serait contre-productif et on perdrait du temps. Donc c'est la politique des petits pas et puis gagner une confiance humaine, parce que la technique, tout le monde peut l'avoir.
Julien, j'aime bien ta formule “c'est pas la confiance en l'autre qui compte seulement, c'est aussi la confiance dans notre alignement, dans la relation avec l'autre”.
(Julien) Je délègue quelque chose, à la fin je n'obtiens pas ce que j'attendais. Mais dans ce que j’obtiens de ce que je n’attendais pas, il y a des choses qui n'étaient pas exprimées à l'origine. L'alignement, c'est quand il y a des collaborateurs qui à leur arrivée dans l'entreprise, ils captent plein de choses, et d'autres, que ce soit un manque de compréhension ou de l’opposition, mais qui fait que c’est plus compliqué.
Henry, déléguer c'est apprendre à s'oublier au profit de l'autre ?
(Henry) Oui, et ça me fait penser à une anecdote qui m'a marqué. Il y a quelques années, avec le groupe, on est allé dans un régiment de force spéciale, ici, pas loin de Bordeaux avec le groupe Germe et le thème de la journée était sur la délégation. Ce sont des gens qui, seuls ou en binôme, sont parachutés derrière les lignes ennemies. Ils ont tous 25-28 ans. Il y a un grand effort fait sur le recrutement, la formation, puis après ils y vont. Et quand je nous entends tous, moi le premier, je me dis, pas de l à pouvoir reproduite le même modèle mais, est-ce qu'on prend pas trop de précautions ? Est-ce que justement on ne fait pas suffisamment confiance.
Comment prévenir les loupés, les échecs dans la délégation ?
(Bertrand) Ah oui, les loupés, j'en ai eu pas mal dans la délégation. Les choses que j’ai en tête :
- pourquoi ça a loupé pour apprendre de nos erreurs
- le debriefing des succès
J’ai eu une journée GERME sur le thème de la célébration et l’importance d’analyser pourquoi ça a réussi aussi. Ça aide beaucoup. Pour ce qui est d’apprendre de nos erreurs, j'en parlais la semaine dernière à ma collaboratrice, il y a eu une erreur mais sans conséquence dans la chaîne de délégation. Et maintenant, systématiquement, c'est un point qu'elle prend en compte, parce que ça l'a touché. C'est la gestion de risque, de toute façon, c'est le métier.
Comment on accepte le droit à l'erreur ?
(Henry) Non, là aussi, c'est une question de tempérament personnel. J'ai effectivement une bonne capacité à accepter l'erreur, mais l'accepter avant le produit fini comme Bertrand. Au contraire, j'aime bien quand les gens me le signale. Par contre, je ne supporte pas qu'on me cache l'erreur. C'est un enjeu d'honnêteté et c’est confortable pour moi et pour la personne concernée de se signaler l’erreur.
Comment on apprend à relativiser en management ?
(Céline) Ma philosophie de manager, c’est que “c’est souvent réussi et rarement complètement raté “. Dans mon vécu de la délégation, c'est que, voilà, le plus souvent ça fonctionne, même si c’est pas toujours exactement comme je l'aurais envisagé. Pour autant, est-ce que ce que j'avais envisagé était mieux ? Je pense que ça peut être bon d'en douter. Peut-être que ce qui a été fait, finalement, c'était mieux. Et puis, si toutefois, il y a effectivement un loupé, on peut aussi relativiser. Après, on parle de délégations qui ne mettent pas en jeu la vie de l'entreprise.
Un exemple de la dernière fois qu'un de vos collaborateurs a fait une erreur et que vous l'avez accepté ?
(Grégory) Si on délègue, il faut accepter l'erreur et faire un retour d'expérience. Moi ça s’est passé la semaine dernière. Ce qui est normal. Si on les sanctionne juste derrière, ils prendront plus de responsabilité.
(Céline) Je voudrais ajouter qu'on est faillible aussi. Ça fait du bien parfois de faire soi-même quelque chose qu'on aurait pu déléguer et de se rendre compte qu'en fait on passe à côté de certains sujets. Ça m'arrive assez régulièrement de ne pas voir parce que j'ai pas le recul, et de faire des boulettes quand je ne délègue pas.
Qu'est-ce que je risque de perdre personnellement en tant que manager en déléguant ?
(Bertand) J’ai une profession avec un syndrome du sauveur. Donc, parfois, c'est un peu délicat de déléguer vis-à-vis des clients, vis-à-vis des équipes, parce qu'on se dit, voilà, cet associé, il délègue tout, il ne fait plus rien. Ça peut être délicat en termes de communication. Et donc on a un vrai travail à faire de manière générale parce qu'il faut déléguer. On n'a pas le choix parce que déjà, quatre yeux en valent mieux que deux. Mais c’est surtout qu’on peut avoir ce syndrome du sauveur qu'on doit travailler tous les jours.
(David) Est-ce que ce n’est pas aussi risquer de gagner en tranquillité finalement ? Notamment toi Bertrand qui est sursollicité au mois d’août via ton téléphone.
Qu'est-ce qui serait différent si moi manager je choisis de déléguer ?
(Grégory) il faut accepter de ne plus être au courant de tout en fait c'est ça qu'on va perdre. C'est qu'il y a des sujets qu'on ne comprendra plus, qu’ils vont prendre entre eux. Au début, ça énerve un peu, de se dire “pourquoi j'étais pas au courant de ça”, et puis après on l'accepte.
(Céline) Oui la frustration de ne pas être au courant de tout, de ne pas savoir se servir de certains outils qu'on aurait su utiliser quelques années plus tôt. Je disais en introduction, “moi j'aime bien l'analyse, et j’ai souvent j'ai des idées d'amélioration dans le détail’. Donc c'est vrai que quand on perd cette vision de détail, on perd aussi ces idées d'optimisation. Mais on gagne surtout du temps aussi.
(Henry) J'ai rencontré dans le train l'autre jour quelqu'un que je ne connaissais pas. J'étais avec une 3e personne qui me présente l'individu et il me décline tous ses mandats. Il était patron d'une boîte de 300 personnes. “Et je lui dis mais comment vous faites pour avoir tous ces mandats et vous occupez de votre boîte ?” Il me dit “je ne m'occupe quasiment plus de ma boîte, je délègue totalement. J'ai recruté les bonnes personnes”. Point. L'échange s'est arrêté là.
Managers, depuis que vous déléguez et faites confiance à vos équipes, qu’est-ce que ça vous a apporté ?
(Grégory) Plus libéré, et je trouve que ça a libéré la parole dans les échanges. Les gens ont pris confiance et ils n'hésitent pas dans les feedbacks de sujets, de dire ce qui a été et ce qui n'a pas été. Avant il n'y avait que des tops et les flops c'était toujours la faute des autres, et maintenant ils mettent leurs flops, j'ai fait ça, j'ai raté. Ça aide de ne pas les sanctionner et de faire un retour d'expérience à chaque fois, de poser un cadre de sécurité.
(Julien) L'amélioration c'est essayer de mieux prendre conscience quand ça se passe bien et et et mettre l'accent dessus. (Bertrand) J'ai appris que ça n'impliquait pas forcément d'être un imposteur, en réalité, la délégation. Parce que j'ai eu souvent cette notion, ce risque d'imposture, finalement, quand on n'est plus dans le traitement à 100% du dossier, entendre qu’on est éloigné de la réalité. Et ça nécessite un peu de maturité, parce qu’au début, on a envie de faire ses preuves, et puis après... on agit plus en tant que chef d'entreprise, avec prise de hauteur. Pour conclure, mon idéal, ça serait d'avoir des équipes plus fortes que soi.
(Céline) Je pensais être peu créative et visionnaire. Et en réalité, je pense que je me complaisais dans un travail de production, d'analyse. Depuis que j'ai beaucoup plus délégué, globalement, ces travaux-là qui me plaisaient, ça a libéré du temps et ça m'a obligée à aller investiguer plein d'autres terrains. laisser infuser plein de nouvelles idées stratégiques. Alors c'est vrai qu'il y a plein de pistes que je lance et qu'on ne fera vraisemblablement pas. Mais je pense que ça nous permet vraiment de réinventer l'entreprise de 2030.
(Henry) Un point qu'on n'a pas évoqué. Moi, j'en ai été victime. C'est être victime de tout un courant de pensée. qui nous fait croire, à juste titre probablement, que tout le monde est débordé de travail. Et donc on voit son collaborateur qui est débordé de travail, qui le dit, et soi-même on est débordé, on se dit, je suis humain, je ne vais pas encore lui en rajouter une couche, il risque de le prendre comme ça. Moi personnellement, c'est quelque chose qui a été un frein. Pour le contrecarrer, je me suis dit, mets-toi dans la peau du président de la République, il ne peut pas tout faire lui-même. Et bien voilà, il délègue. Et ça m’a aidé.
En bref :
Déléguer, ça peut être une occasion, on l'a dit, de de faire un pari sur son collaborateur pour le faire monter en compétence. Parfois permettre à l'autre de gagner en confiance.
Merci à nos interviewés pour leur contribution. Pensez à vous abonner pour écouter d’autres épisodes sur le management avec les podcasts La graine inspirante de GERME !
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